Je ne vais pas expliquer ce qu’est Liège Bastogne Liège, ce « monument » du cyclisme que les passionnés connaissent et dont le grand public a entendu au moins une fois le nom dans sa vie puisque la course existe depuis 1892.
LBL, c’est un défi qui permet par exemple de réunir à nouveau 2 allemands et 1 français (accompagné d’un second cycliste français) dans un restaurant italien pour une pasta party, la veille d’une cyclosportive belge. Il est impossible d’expliquer pourquoi on se lance dans un tel défi, sachant que le parcours est l’un des plus exigeants proposés en course officielle. L’envie de tester ses limites et de comprendre ce qu’endurent les professionnels peut-être ?
Le parcours
Pour planter le décor, le parcours se déroule dans le massif de l’Ardenne que l’Ourthe et ses affluents ont érodé au fil du temps pour créer de multiples monts. Je ne sais pas quel Belge a inventé la blague du « Plat Pays » mais c’était peut-être le frère du gars de la « DDE » à qui on a expliqué que la plus courte distance pour aller d’un point A à un point B était la ligne droite. Et le frangin n’a pas hésité à bâtir des routes très directes dans ces monts. Ce qui fait que leur cousin garagiste a fait fortune en réparant les moteurs de voiture partis en surchauffe après que leurs chauffeurs aient tenté de grimper les pentes à 20% qu’offrent les routes ainsi bâties… Les plus illustres d’entre elles sont la côte de La Redoute et la côte de la Roche aux Faucons, situées à quelques kilomètres de l’arrivée du parcours 2021.
Mais à ces murs, il faut ajouter les côtes de Saint-Roch et de Stockeu. Situées plus loin de l’arrivée, aux alentours des 122ème et 177ème kilomètres, elles entament la combustion des cuisses du cycliste ! Au total, s’il y a une 15aine de côtes plus ou moins (plus) difficiles les unes que les autres répertoriées par l’organisation sur l’ensemble du parcours, vos jambes prendront avec bonheur les « cadeaux » que sont la dizaine d’autres montées non répertoriées, la plupart d’entre elles situées après Bastogne, qui comme son nom ne l’indique pas n’est pas en milieu de parcours ! Au total, il faut donc affronter plus de 255 kilomètres et 25 montées pour 4500 m de dénivelé pour finir le challenge. Et quand on arrive à Bastogne, on a "juste" fait 105 km pour 1500 m D+, une bonne sortie RSM du samedi quoi !
Un défi individuel
Pour ma part, étant inscrit depuis l’automne 2019 à l’édition 2020 finalement annulée, j’appréhendais depuis mon inscription la longueur, le dénivelé total et les conditions climatiques de l’épreuve, à laquelle s’ajoutait la date en début de saison qui ne permettait pas une grande préparation. Le report m’a permis de travailler plus, d’emmagasiner plus d’expérience et de faire quelques tests de longue distance pour me rassurer. C'est pour cela que j'ai rejoint le groupe de la RSM à l'hiver 2019 afin de rouler encore plus régulièrement et essayer de gagner en volume. Cela m'a permis de vous rencontrer et de partager de bonnes sorties pour gagner en motivation au fil des mois. Et puis j'ai rencontré Stéphane (Rantanplan) qui lui aussi s'était inscrit donc pas moyen de me débiner !
L’édition a finalement été reportée à septembre 2021 ce qui permettait d’aborder l’événement de manière plus sereine et de profiter de l’été 2021 pour muscler la préparation.
Mon objectif était donc d’être suffisamment à l’aise pour prendre plaisir sur la totalité du parcours, et de profiter de rouler à nouveau avec mes amis allemands, en espérant avoir un niveau équivalent à eux.
C’est ce que nous avons réussi à faire toute la journée pour notre plus grand plaisir, tout en regardant d'un air ébahis les nombreuses attaques, euh les relais appuyés, de notre cher Stéphane ! Il est incorrigible mais au moins on a le "vélo-radio" toute la journée pour ne pas trop penser à la douleur puisqu'il a toujours quelque chose à raconter. Et ça n'a pas de prix !
Une aventure collective
Comme je m’en doutais avant la journée, le plaisir a été démultiplié par le fait que nous ayons roulé tous ensemble dans le même groupe sur l’ensemble du parcours. Du matin 6h45 jusqu’à 17h00 dans l’après-midi, nous avons pu rester groupés sans nous perdre et sans que l’un d’entre nous n’ait une défaillance qui le faisait lâcher prise. A cela est venu s’ajouter le plaisir de constituer un premier groupe important au fil des coureurs rattrapés : un peloton d’une 40aine de coureurs jusqu’au ravitaillement de Bastogne et des discussions qui fusaient avec des belges, des français pour agrémenter encore plus l’aventure. Comme à chaque fois à vélo, on finit par rencontrer des gens avec qui le feeling passe. Après Bastogne, les groupes se sont clairsemés, on rattrape dans les monts, on se fait doubler dans les descentes lorsque nous faisons des stops pour nous regrouper, certains font des ravitos plus courts… En fin de parcours, on finit quasiment seul ou par groupes de 2-3 personnes afin de se soutenir, la fatigue pèse et le moral peut flancher après autant d’efforts. Et sur la ligne d’arrivée, on se retrouve finalement tous complètement vannés mais heureux, fatigués mais euphoriques, las mais prêts à trouver un nouveau challenge…
Mes sensations
Si je devais faire le bilan de ma journée, je dirais que j’ai roulé à ma main : à l’avant en imprimant régulièrement le rythme au groupe et en prenant ma part de relais dans les 105 premiers kilomètres jusqu’à Bastogne. Sans rouler trop fort mais sans profiter trop du peloton. Puis après Bastogne, le retour sur 150 kilomètres devient beaucoup plus personnel : l’enchainement des monts et cols est tellement resserré que c’est un défi contre soi-même à chaque montée. Je ne connaissais aucune montée, je ne savais pas à quoi m’attendre dans aucun mont, je m’attendais surtout à souffrir dans La Redoute et La Roche aux Faucons. Au 122ème km, lorsqu’au pied de Saint-Roch un mur s’est dressé devant moi, j’ai mis les watts pour passer en force. Une côte vraiment très impressionnante avec plusieurs passages à 20% et des cassures : ça met dans l’ambiance du parcours retour et on se dit que le parcours va bien nous user avant les côtes mythiques. Et c’est le cas plusieurs km plus tard avec la côte de Stockeu en haut de laquelle on trouve une stèle « Eddy Merckx ». Quelle côte, et il reste encore 80 kilomètres !
Le col du Rosier et ses 4 kilomètres participent aussi à l’usure générale même si les pourcentages sont moins élevés. A ce moment du parcours (194 kilomètres), nous sommes un peu éparpillés mais nous arrivons à nous attendre et à faire les ravitos tous ensemble. L’organisation a d’ailleurs été parfaite avec des pauses suffisamment fréquentes pour faire le plein d’énergie.
Après le Rosier, la Vecquée, puis c’est l’heure de La Redoute tant… espérée. A ce moment j’ai encore des jambes et je pense à tout donner comme dans Saint-Roch, Stockeu ou la 2ème partie du Rosier. Je pense à celles et ceux que je connais qui ont eu des expériences aussi dures et qui ont fini leurs challenges. Autant s’envoyer, après tout, le ravito est juste après et il ne reste ensuite que 30 km et 3 monts, et c’est là que se fait la course des pros ! Nous savons aussi que nous sommes chronométrés par l'organisation dans le Rosier, la Redoute et la Roche aux Faucons, ça amène un supplément de motivation pour affronter ces légendes.
A l’arrivée dans Aywaille, la pluie s’invite quelques minutes, donnant à notre Liège Bastogne Liège un peu plus de caractère ! Mais on sent plus la pression de la côte monter que la pluie tomber… Une fois dans le village de Sougné Remouchamps, ça attaque une première fois à proximité de l’école, puis un léger replat longe l’autoroute et on commence à virer à gauche pendant que la route se dresse à 20% au milieu de la prairie. Au loin de la musique, ça donne du courage d’autant qu’on l’entend de plus en plus fort. La montée est « courte », autour de 1500 m à 9,8% de moyenne mais avec des pourcentages tellement importants sur la 2ème partie… Parti trop fort, je sens que c’est la surchauffe lorsqu’il reste 700m mais mon braquet en 36x28 ne m’offre pas de répit alors j’appuie comme je peux dressé sur les pédales. Petit à petit mes camarades me rattrapent sur la fin puis me dépassent, nous finissons tous à quelques secondes les uns des autres mais pour moi c’est la bosse qui m’aura fait basculer dans le dur !
Après cela, je suis obligé de gérer la fin de parcours et de rester tranquille dans la côte des Forges avant la Roche aux Faucons. Dans la Roche, je fais une montée inégale au gré du pourcentage et toujours obligé de forcer pour emmener le braquet, mais je termine bien la montée. Heureusement qu’il m’aura resté des forces pour pousser sans crampe… En haut, j’attends une dernière fois Carsten pour finir main dans la main avec lui alors qu’Oliver et Stéphane finissent ensemble à l’avant, accompagnés de Koko rencontré en début de journée et avec qui nous avons sympathisé.
Nous finissons cette édition à la météo parfaite avec des moyennes comprises entre 27,3 et 27,8 km/h, des moments forts pour chacun à des moments différents du parcours, avec le plaisir d’avoir roulé tous ensemble toute la journée, sans souffrance ni problème technique. Nous avons évité les chutes, les erreurs de parcours, les punaises jetées sur la route après Bastogne et qui ont causé de multiples crevaisons, les fringales grâce aux barres, bananes, gaufres englouties à chaque ravito, un accident de voiture, les chats traversant la route, les crottes de vaches, les bidons qui tombent, les trous dans les routes. Nous avons surtout partagé une aventure magnifique que nous avons prolongée à l’arrivée et dignement fêté le soir.
Liège Bastogne Lège, un monument du vélo qui mérite son appellation et où il fait bon faire rouler ses roues.
Bravo Pascal pour cette performance sportive XXL et tes talents de narrateur, ça donne envie.
Super aventure, super défi, super performance et enfin super récit passionnant et si la RSM a pu t'aider c'est super !!
Bravo Pascal
Quelle aventure encore chapeau!!! Et comme tu le dis si bien, heureusement que vous aviez le "véloradio de Rantanplan" pour pas vous endormir 😁😁😁.